Vlad III Draculea Tepes (1431 à 1476)
VLAD III DRACULEA TEPES
Chronologie
1400 à 1450
En 1431, Vladislav III, ou Vlad III, naît à Sighisoara, en Transylvanie. Il est le fils d'une princesse moldave et de Vlad II, le fils du voïvode, c'est-à-dire prince, de Valachie, une principauté officiellement vassale des Hongrois. Au cours de la même année, Vlad II est admis
dans l'ordre du Dragon, fondé par Sigismond de Luxembourg, alors roi de
Hongrie. Cet ordre compte 24 nobles de très haut rang, dont la
vocation est de stopper l'expansion ottomane en Europe, de lutter
contre l'hérésie et de défendre la famille impériale. Dès lors, Vlad II
reçoit le surnom de Dracul, qui signifie le dragon, et, par la suite, Vlad III sera connu sous le surnom de Draculea, ou Dracula, qui signifie le fils du dragon (HC21).
En 1436, Vlad II Dracul monte sur le trône et devient voïvode de Valachie. A cette époque, la région des Carpates a une immense importance économique mais aussi stratégique de par sa position géographique. Au niveau économique, par exemple, la Transylvanie exporte à Nuremberg, à 1400 km de distance, le minerai qui alimente son industrie d'armement, en contrepartie d'armes et de draps. Dans ces échanges, les villes, où se sont établis au cours des siècles passés des colons allemands, surtout saxons, jouent un rôle majeur. Au niveau stratégique, les petits états de Valachie, de Serbie et de Bosnie forment la ceinture défensive du royaume de Hongrie face aux Turcs ottomans, qui s'étaient installés près du Danube, à la fin du XIVe siècle. Le royaume de Hongrie comprend alors une grande partie du plateau de Transylvanie, entouré au nord, à l'est et au sud par les montagnes des Carpates. Les passages orientaux de ces montagnes, qui mènent en Moldavie, sont étroits, sinueux et faciles à bloquer, ce qui n'est pas le cas des deux larges passages du sud, en Valachie, celui de Roter Turm, conduisant à Sibiu, et celui de Predeal, menant à Brasov. Ils constituent les portes du royaume de Hongrie, d'où l'intérêt des Hongrois et des Turcs à contrôler notamment les voïvodes, les princes de Valachie (HC21).
En 1444, le sultan Murad II tend une embuscade à Vlad II et l'oblige à lui laisser ses deux plus jeunes fils en otages. En échange, le sultan lui fournit des troupes pour reprendre le pouvoir en Valachie. Vlad III Draculea et son frère cadet Radu se retrouvent ainsi à Edirne, la capitale ottomane. Vlad III Draculea y est bien traité par le sultan et son fils Mehmed, qui deviendra plus tard Mehmed II (HC21).
En 1447, les boyards, c'est-à-dire les nobles valaques, se soulèvent contre Vlad II Dracul et le tuent, ainsi que son fils aîné, Mircea, qu'ils enterrent vivant après lui avoir crevé les yeux. Jean Hunyadi, qui est l'instigateur de ce soulèvement, installe sur le trône de Valachie un noble valaque nommé Vladislav (HC21).
En 1448, avec l'aide des ottomans, Vlad III Draculea expulse le nouveau voïvode de Valachie et prend sa place. Mais quelques mois plus tard, les Hongrois remettent Vladislav sur le trône, expulsant Vlad III Draculea à son tour (HC21).
1450 à 1500
En 1452, Vladislav, le voïvode de Valachie, cherche à marquer son indépendance envers les Hongrois et se tourne vers les Turcs (HC21).
En 1455, Vlad III Draculea s'unit aux Hongrois pour lutter contre les Turcs, qu'il vainc à Belgrade (HC21).
En 1456, Vlad III Draculea reprend le pouvoir en devenant voïvode de Valachie après avoir tué Vladislav. Au cours des années qui suivirent, il fait de la forteresse de Poenari sa résidence,
certainement car celle-ci, édifiée au sommet d'un pic rocheux abrupt, est l'un des points de contrôle stratégique des Carpates. Pour consolider son pouvoir, il nomme des hommes issus du peuple, et même des étrangers, à toutes les charges publiques. Vlad III Draculea cherche ainsi à placer des hommes qui dépendent entièrement de sa volonté arbitraire, celui-ci pouvant les nommer, les destituer et même les exécuter à son gré. Pour remplacer les boyards, qu'il juge responsable de la mort de son père, Vlad III Draculea crée peu à peu de nouvelles élites avec les armas, administrateurs de la justice, les viteji, une élite militaire formée de petits propriétaires terriens qui se sont distingués sur le champ de bataille, et les sluji, faisant office à la fois de police politique et de garde personnelle. Sur le plan religieux, Vlad III Draculea impose son autorité au clergé catholique. Dans le même temps, Vlad III Draculea favorise les paysans et les artisans en les exonérant d'envoyer tributs et enfants à l'Empire ottoman. D'un autre côté, il opprime les minorités, s'en prenant aux vagabonds et aux mendiants, aux gitans, et à la population allemande en majorité saxonne, de confession catholique tout comme les hongrois, alors que les Roumains
sont de confession orthodoxe, une confession qui est persécutée en
Transylvanie. Avant l'époque de Vlad III Draculea, l'implantation d'établissements saxons
avait servi à repeupler des zones stratégiques et à relancer l'économie
locale, ce qui leur permit d'acquérir des privilèges. Ainsi, à l'époque
de Vlad III Draculea, cette population allemande, en majorité saxonne, se
concentre, en Transylvanie et en Valachie, dans des villes qui
jouissent de gouvernements autonomes et d'importants privilèges
fiscaux et commerciaux, probablement au détriment des Roumains. Vlad III Draculea impose de lourdes
charges fiscales à ces villes privilégiées et bloque leur commerce
lorsqu'elles refusent de payer. En réponse, les hongrois et les saxons de Transylvanie et ces villes privilégiées offrirent leur
appui à de nouveaux prétendants au trône de Valachie, Dan III, Vlad le Moine, qui
est le demi-frère de Vlad III Draculea, et Basarab Laiota. Vlad III fait de
violentes répressions sur les villes qui soutiennent ouvertement ces concurrents et finit par les soumettre à son autorité (HC21).
En 1459, le sultan Mehmed II, avec qui Vlad III Draculea avait passé quelques années de son enfance lorsqu'il était otage des Turcs, envoie une ambassade en Valachie afin de réclamer un tribut de 10.000 ducats et de 300 garçons. Vlad III Draculea refuse (HC21).
En 1460, les villes rebelles comme Brasov, Sibiu, Tara Bârsei, Amnas et Fagaras, qui soutenaient des concurrents du voïvode, se retrouvent toutes soumises par Vlad III Draculea (HC21).
En 1461, les Turcs proposent à Vlad III Draculea des négociations de paix, mais leur intention est de lui tendre une embuscade. Vlad III Draculea répond en effectuant une incursion qui dévaste les territoires turcs du sud du Danube. Selon Vlad III Draculea lui-même, il fait couper
24.000 têtes, sans compter les habitants morts dans les maisons
incendiées et fait envoyer des sacs entiers de nez et d'oreilles coupés
au roi de Hongrie. Cependant, comme il le reconnaît lui-même, la plupart
des victimes n'étaient pas des soldats Turcs mais de simples paysans,
des chrétiens serbes et bulgares soumis aux Turcs (HC21).
En 1462, au printemps, le sultan Mehmed II envahit la Valachie avec une armée de peut-être 90.000 hommes, dans l'intention de mettre Radu, le frère cadet de Vlad III Draculea, qui s'était converti à l'Islam, sur le trône. Vlad III Draculea, qui dispose peut-être de 30.000 hommes, choisit d'effectuer une guerre d'escarmouches, utilisant la tactique de la terre brûlée mais aussi la terreur. Les boyards valaques, opprimés par Vlad III Draculea depuis son accession au trône, soutiennent les Turcs et Radu. Sans argent, Vlad III Draculea finit acculé et Mathias Corvin, le roi de Hongrie, qui souhaite une trêve avec Mehmed II, le fait emprisonner en novembre alors qu'il était venu négocier de l'argent et des troupes. Vlad III Draculea reste peu de temps enfermé car son influent cousin, Étienne III de Moldavie, intercède en sa faveur. Cependant, Mathias Corvin choisit de le retenir auprès de lui. Au cours de la même année, un rapport à charge est rédigé pour le pape Pie II concernant le traitement du clergé catholique par Vlad III Draculea. Dans ce rapport, l'auteur affirme que Vlad III Draculea fait assassiner 40.000 personnes dans ses
sanglantes répressions. Il affirme également que le voïvode, lors de
l'invasion de la Valachie par les troupes de Mehmed II au printemps, usa de la terreur pour lutter, faisant empaler 23.000 prisonniers
et leurs familles sur la route de l'ennemi. Vlad III Draculea reçoit peut-être à ce moment là le surnom de Tepes qui, en roumain, signifie l'empaleur (HC21).
Vers 1466, le roi hongrois Mathias Corvin marie Vlad III Draculea Tepes à sa cousine Ilona Szilagyi (HC21).
En 1475, Mathias Corvin libère Vlad III Draculea Tepes afin qu'il récupère le trône de Valachie, au profit du royaume de Hongrie (HC21).
En 1476, en novembre, Vlad III Draculea Tepes expulse Basarab Laiota du trône de Valachie et reprend le pouvoir. Mais Basarab Laiota revient rapidement avec l'appui des Turcs. En décembre, au cours d'un affrontement avec les Turcs, Vlad III Draculea Tepes meurt, peut-être trahi par l'un de ses hommes de confiance, un Turc acheté par Mehmed II, qui l'aurait décapité d'un coup d'épée. Sa tête est envoyée à Constantinople où elle est peut-être exhibée afin de dissiper la terreur qu'aurait inspirée son nom. Selon la tradition, Vlad III Draculea Tepes est ensuite enterré dans l'église du monastère de Snagov. Selon d'autres hypothèses, il est enterré dans l'église de Comana ou dans celle de Targsor (HC21).
1800 à 2000
En 1897, Bram Stoker publie le roman Dracula. Il s'est inspiré de Vlad III Draculea Tepes pour créer son personnage mythique (HC21).
En 1933, dans l'église du monastère de Snagov, l'archéologue Dinu V. Rosetti et l'historien George D. Florescu ouvrent une tombe située sous celle qui, selon la tradition, abrite Vlad III Draculea Tepes mais qui avait été trouvé vide. Ils découvrent un cercueil dans lequel repose un cadavre vêtu d'un costume de velours et dont le visage est couvert d'une étoffe de soie. Au contact de l'air, le corps se décompose en quelques minutes. Dinu V. Rosetti et George D. Florescu pensent alors avoir découvert le cadavre de Vlad III Draculea Tepes. La présence de la tête, alors que l'histoire dit que le voïvode fut décapité et sa tête envoyée à Constantinople, dans l'Empire ottoman, peut s'expliquer par le fait que les Turcs ne séparaient pas la tête du corps mais arrachaient la peau du visage et le cuir chevelu avant de les embaumer en les remplissant de coton. Ce serait ainsi ce trophée cadavre que reçut le sultan Mehmed II. Cependant, il n'est pas certain que le corps soit bien celui de Vlad III Draculea Tepes car, selon d'autres hypothèses, il serait enterré dans l'église de Comana ou dans celle de Targsor (HC21).
Tepes, l'empaleur
En roumain, tepes signifie l'empaleur, et la sinistre réputation de Vlad III Tepes vient de son oppression des minorités. Sa cruauté fut dénoncée dans des pamphlets provenant de sources allemandes, Vlad III opprimant les Saxons sur ses terres, par la cour du roi de Hongrie, Mathias Corvin, qui oscilla, au gré des circonstances, entre alliance et hostilité, et par le rapport rédigé pour le pape Pie II par le clergé catholique que le voïvode avait repris sous son autorité, quitte à châtier ses membres. Cette réputation, vraie, déformée, exagérée, partiellement vraie ou fausse, il est difficile de se prononcer, fut donc écrite par les ennemis et adversaires de Vlad III (HC21).
Ainsi, selon ces sources, Vlad III opprima les minorités avec brutalité, se débarrassant des vagabonds et des mendiants en les invitant à un banquet, fermant les portes et les brûlant vifs, exterminant les gitans ou les enrôlant de force dans l'armée, exécutant les boyards après les avoir invité à un grand repas, asservissant les survivants pour servir de main-d'œuvre à la construction d'un château près du fleuve Arges, lors de laquelle beaucoup périrent d'épuisement. La répression des villes qui soutenaient ses concurrents fut tout aussi terrible. Ainsi, lorsque la ville saxonne de Brasov soutint Dan III pour le renverser, ce dernier fit empaler 30.000 personnes, dînant au milieu de l'horreur avant de faire incendier la ville. Dès lors, Vlad III Dracul devint Vlad III Tepes, c'est-à-dire Vlad III l'Empaleur. Dans la même idée, le rapport de 1462 pour le pape Pie II affirmait que Vlad III fit assassiner 40.000 personnes dans ses sanglantes répressions. Il est dit aussi que le voïvode, lors de l'invasion de la Valachie par les troupes de Mehmed II au printemps 1462, usa de la terreur pour lutter, faisant empaler 23.000 prisonniers et leurs familles sur la route de l'ennemi. Enfin, mais cette fois la source vient de Vlad III lui-même, lorsqu'il dévasta les territoires turcs du sud du Danube en 1461, il fit couper 24.000 têtes, sans compter les habitants morts dans les maisons incendiées et fit envoyer des sacs entiers de nez et d'oreilles coupés au roi de Hongrie. Cependant, comme il le reconnut lui-même, la plupart des victimes n'étaient pas des soldats Turcs mais de simples paysans, des chrétiens serbes et bulgares soumis aux Turcs (HC21).
Sources de l'article
HC21 : Juan José Sanchez Arreseigor, Historien. Vlad, le vrai Dracula. Histoire & Civilisations 21, Octobre 2016.
Bibliographie
Matei Cazacu. L'Histoire du prince Dracula. Droz, 2006.