Amenemhat I (-20e siècle)

AMENEMHAT I


Chronologie

-2000 à -1900
Vers -1991 (EP 802), ou vers -1939 (HP 85), Amenemhat I monte sur le trône d'Egypte (HP 85, EP 802) et remplace Montouhotep IV (EP 238). Amenemhat I est le fondateur d'une nouvelle dynastie, la XIIe selon Manéthon (EP 238, 807), mais son origine reste obscure. On l'a traditionnellement confondu avec le vizir Amenemhat, mentionné par des inscriptions du ouadi Hammamat, qui servait le roi Montouhotep IV. Cependant, rien ne permet de confirmer qu'il s'agisse de la même personne (EP 238). La source la plus précise sur les origines de Amenemhat I est une composition littéraire appelée Prophétie de Néferti. Rédigé du vivant du roi ou quelques années après sa mort, ce texte fait d'Amenemhat I un natif de l'extrême sud du pays. Il serait né dans l'intérieur de Nékhen, une région située au sud de Thèbes. Dans ce récit, la mère du roi viendrait de Ta-Séty, ce qui venait renforcer le caractère méridional de l'origine du nouveau monarque. En effet Ta-Séty signifie La-terre-de-l'arc et désignerait, dans les textes égyptiens de l'époque, la Nubie. Cette pseudo-prophétie permettait de pallier l'absence d'ancêtres prestigieux. Elle donnait au pouvoir d'Amenemhat une légitimité, d'autant que cet oracle aurait été rendu sous le très estimé règne de Snéfrou (EP 238-239). Loin de témoigner d'une quelconque habileté idéologique de la part du nouveau roi, le recours à ce type de fiction historique trahit l'extrême précarité de la position d'Amenemhat I. Ce dernier ne semble avoir disposé d'aucun ascendant permettant de justifier sa position. Ni le nom de son père, ni celui de la ville où il était né, ne figurent dans la prophétie. Rien, dans ses origines, ne pouvait l'aider à justifier le fait qu'il dirigeait désormais l'Etat (EP 239-240).

Amenemhat I déplaça l'ensemble des services centraux, auparavant installés à Thèbes, dans une nouvelle capitale, située sur le territoire de l'ancien royaume héracléopolitain. Il fonda ainsi une ville nouvelle nommée Ititaouy, Celle-qui-saisit-les-Deux-Terres, correspondant au site de la ville actuelle d'El-Lisht, en Moyenne Egypte. N'étant pas d'origine thébaine, Amenemhat I devait probablement craindre de s'installer à Thèbes (EP 249). La prise de pouvoir de Amenemhat I semble avoir sonné le glas du mouvement de concentration d'autorité en Haute Egypte, qui avait affaibli considérablement les potentats locaux du sud, faisant disparaître le titre de Grands Chefs. Ce nouveau monarque, aux origines obscures, acheta sans doute le soutien des grandes familles de Haute Egypte en leur rendant leur autonomie. Dans ce contexte, le titre de Grand Chef réapparut dans l'épigraphie funéraire, accompagnant les tombes majestueuses que faisaient bâtir ces puissances locales. Elles avaient recouvré ou conservé une bonne part de liberté, en dépit de la mise en place d'une monarchie unitaire (EP 257). Ce titre de Grand Chef fut porté par des potentats de Haute Egypte, mais surtout de Moyenne Egypte. Il est rare qu'il soit attesté hors de la zone comprise entre Héracléopolis et Eléphantine (EP 266). A maints égards, les débuts d'Amenemhat I rappellent ceux de Téti, quelques siècles plus tôt. Les deux rois arrivèrent au pouvoir dans un contexte marqué par la violence et le régicide. Face à ces difficultés, tous deux firent le même choix politique, rechercher des soutiens auprès des grandes familles de province (EP 270).

Tout indique que l'avènement d'Amenemhat I fut accompagné, à Assiout, d'un bouleversement de la vie politique locale avec la fin de la lignée de Khéty I, un chef local, et la promotion d'une nouvelle famille de potentats. Le même phénomène se produisit à Ben Hassan, où l'arrivée au pouvoir d'Amenemhat I fut marquée par l'ascension de Khnoumhotep I. Ce dernier indique clairement dans sa biographie les multiples promotions dont il bénéficia. En retour, il semble avoir aidé le pharaon à traverser une période difficile, marquée par le bannissement d'un prétendant au trône et par des combats contre des Nubiens et des Levantins. A Meir, Sénébi I dut aussi sa nomination à la tête de la ville et de sa région à Amenemhat I. Le même phénomène semble s'être produit, quelques décennies plus tard, à Eléphantine où Sarenpout I, le premier Grand Chef de la ville, mentionne que son père, un certain Hapi, avait côtoyé Amenemhat I et Sésostris I. Hapi, dont les titres ont été perdus, disposait d'une petite chapelle dans le sanctuaire local d'Héqaib, indiquant le rôle politique qu'il jouait de son vivant à Eléphantine. Ainsi, l'arrivée au pouvoir d'Amenemhat I fut marquée par une redistribution des cartes au sein des élites locales de régions stratégiques du royaume. Des familles favorables au nouveau roi s'imposent et certains de leurs membres obtiennent parfois le titre de Grand Chef (EP 260-261). Ainsi, pour récompenser les grandes familles de province de leur soutien, Amenemhat I organisa la promotion de certains caciques de Moyenne Egypte à la tête de leurs villes, en octroyant de lucratives fonctions administrativo-commerciales, et le titre de Grand Chef qui scellait leur appartenance au parti du nouveau roi. Le fait que ces derniers vivaient essentiellement en Moyenne Egypte éclaire un peu plus le choix de Ititaouy comme capitale. Le roi s'installait dans la région où il comptait ses plus puissants soutiens (EP 270).

En choisissant la Moyenne Egypte, Amenemhat I avait établi sa capitale au cœur d'un des nœuds commerciaux les plus importants de son temps. Le royaume d'Egypte apparaît alors comme un vaste espace de circulation (EP 270).

Selon une inscription laissée par un dignitaire, nommé Néheri, dans les carrières d'Hatnoub, datée du début du règne de Amenemhat I, le roi dut affronter une coalition composée de Nubiens, de Levantins, de Medjays (des habitants du désert oriental), mais aussi d'habitants de Haute et de Basse Egypte. Quelques années plus tard, dans sa tombe de Beni Hassan, le Grand Chef Khnoumhotep I affirme que le rebelle qu'eut a affronter Amenemhat I était soutenu par une armée de mercenaires venus de Nubie et d'Asie. Ainsi, loin de la vision proposée par certains textes royaux de l'époque, selon laquelle des frontières étanches séparaient l'Egypte des peuples étrangers, tout indique que les pharaons de la première moitié du IIe millénaire ne furent jamais en mesure de contrôler pleinement les mouvements de ces populations au sein de leur royaume (EP 270-271).

Sous le règne de Amenemhat I, pharaon bâtisseur et réorganisateur de l'administration, les relations avec Byblos et le monde égéen se réactivent. Il se vante d'avoir mis un terme aux infiltrations des Asiatiques grâce à un système de fortifications appelé le Mur du Prince (HP 85).

Amenemhat I fait édifier une pyramide de 55m de hauteur dans la nécropole royale d'El-Lisht (EP 248-249), à mi-chemin entre Ititaouy et Memphis, loin du temple funéraire de Montouhotep II, qui dominait alors le méandre mort de Deir el-Bahari, à Thèbes-ouest (EP 249). Pour des raisons de coût, le cœur de la pyramide fut réalisé en briques et l'ensemble fut ensuite recouvert d'un parement en calcaire (EP 248). Les complexes funéraires d'Amenemhat I et de ses successeurs frappent par leur médiocrité. Les pyramides d'El-Lisht et de Dachour furent réalisées en pierres de piètre qualité. Amenemhat I réutilisa même des blocs provenant de monuments royaux du IIIe millénaire, comme si les rois d'Ititaouy étaient incapables d'imposer à l'administration qu'ils dirigeaient autre chose qu'une portion congrue, pour assurer leur renaissance dans l'au-delà (EP 249).

Vers -1962 (EP 802), Amenemhat I associe son fils Sésostris I au trône, sans doute pour affirmer l'autorité de sa lignée (EP 240). En effet, rien dans les origines de Amenemhat I ne justifiant sa prise du pouvoir et celui-ci pouvant être considéré comme un parvenu, cela pouvait se révéler catastrophique pour sa succession. Amenemhat I choisit donc de créer cette corégence avec son fils Sésostris I qui commença à régner aux côtés de son père, bénéficiant de son appui politique (EP 239-240). Cette corégence dura quelques mois (EP 240), car, vers -1962 (EP 802), Amenemhat I est assassiné à la suite d'un complot (EP 802) ourdi dans son harem (HP 85). Amenemhat I est alors remplacé par Sésostris I (HP 85).

Après -1962, le meurtre d'Amenemhat I par des conspirateurs est à l'origine de la Sagesse appelée Enseignement d'Amenemhat. Ce long texte fut probablement rédigé par des scribes proches de l'entourage de Séostris I (EP 240-242). Ce meurtre est également à l'origine du Conte de Sinouhé (EP 242), l'une des œuvres les plus populaires de la littérature égyptienne (HP 85).


Variété des dates

Les dates de la chronologie sont des dates approximatives et peuvent fortement variées selon les sources. En effet, les documents utilisés par les chercheurs pour tenter d'établir l'Histoire n'utilisent pas des dates exactes en rapport avec notre système actuel. Il arrive souvent que ce soit des temps relatifs à tel ou tel règne. Les documents ne sont d'ailleurs pas toujours contemporains des évènements qu'ils documentent. Les dates reprises ici ne sont donc pas à prendre stricto sensu mais plutôt comme des repères chronologiques dans une palette large (NDR).


Sources de l'article

EP : Damien Agut, Juan Carlos Moreno-Garcia, Joëlle Cornette (dir.). L'Égypte des pharaons, de Narmer à Dioclétien. Collection Mondes anciens. Editions Belin, 2016.
HP : Josette Elayi. Histoire de la Phénicie. Collection Tempus. Editions Perrin, édition 2013, réédition 2018.



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