Ishbi-Erra (-21e siècle/-20e siècle)
ISHBI-ERRA
Chronologie
-2100 à -2000
Vers -2019, selon une des pièces de la Correspondance royale d'Ur, Ishbi-Erra, alors dignitaire du royaume d'Ur et originaire de Mari, est chargé par son souverain Ibbi-Sin d'aller acheter de l'orge, jusqu'en Mésopotamie centrale, pour sauver Ur de la famine. Ishbi-Erra doit ainsi se rendre à Isin et Kazallu. Il affirme, dans cette pièce de la Correspondance royale d'Ur, s'être acquitté correctement du début de sa mission, mais avoir été empêché de la conclure à cause du danger amorrite, les Amorrites ayant envahi le pays. En réalité, malgré les gages de fidélité qu'il prétendait donner, c'est une véritable trahison qu'il préparait. La cause de son maître Ibbi-Sin lui paraissant perdue, il souhaitait en fait récupérer le pouvoir pour son compte, en prenant le contrôle de Nuppur et en instaurant une nouvelle royauté dans la ville voisine d'Isin. Cette trahison n'a pas tardé à éclater au grand jour. En effet, le gouverneur de Kazallu, resté fidèle au roi d'Ur, envoie une lettre à Ibbi-Sin, lui transmettant un message que lui aurait fait parvenir Ishbi-Erra et dans lequel celui-ci affirmait qu'il s'emparerait de Kazallu et qu'il expulserait Ibbi-Sin de son pays. Ainsi, Ishi-Erra ne laissait plus planer d'équivoque sur ses intentions et avait décidé d'engager les hostilités avec Ibbi-Sin. En se proclamant désormais nouveau roi d'Isin, il revendiquait, sous le patronage du dieu Enlil de Nippur, la royauté sur tout Sumer (LM 245-246).
Vers -2019 (LM 254), Ishbi-Erra devient roi d'Isin (EP 254). Chronologiquement, on considère que l'année 1 d'Ishbi-Erra à Isin a correspondu à l'année 8 d'Ibbi-Sin à Ur. La confrontation ouverte entre ces deux rois durera encore plus d'une quinzaine d'année, jusqu'à la chute d'Ibbi-Sin. Dans le même temps, sur le front de l'est, Ur n'offrant plus aucune résistance, l'Elamite Kindattu, le fils d'Ebarat, devenu roi d'Anshan, de Shimashki et d'Elam, entra en rivalité avec Ishbi-Erra pour le contrôle du sud mésopotamien. Le déroulement exact des faits nous reste inaccessible et il est méthodologiquement problématique d'envisager de le reconstruire à partir des seules informations données par les pièces de la Correspondance royale ou par d'autres textes à caractère littéraire (LM 246).
Vers -2012-2011, au cours des années 8-9 du règne d'Ishbi-Erra, les noms d'année de son règne évoquent des victoires sur les Amorrites (LM 247).
Vers -2004, au cours de l'année 16 du règne d'Ishbi-Erra, soit l'année 23 du règne d'Ibbi-Sin, le nom d'année du règne d'Ishbi-Erra évoque des victoires sur l'Elam (LM 278).
Vers -2003 (LM 202, 963, 1000), l'Elamite Kindattu finit par s'emparer d'Ur et de son roi, Ibbi-Sin, qui fut emmené captif en Elam en même temps que la statue de Nanna, le grand dieu protecteur de la ville, ce qui est un symbole lourd (LM 247). Après la disparition définitive de l'empire d'Ur, Ishbi-Erra entretint des relations étroites et durables avec Shu-iliya, le roi d'Eshnunna (LM 278).
2000 à 1900
Vers -1990 (LM 258), durant les années 27-28 de son règne, Ishbi-Erra chasse définitivement les Elamites de Sumer (LM 247, 258). 7 ans avant la fin de son règne, Ishbi-Erra était ainsi parvenu, depuis Isin, à vaincre à la fois les Amorrites et Elamites et à assurer son contrôle sur la majeure partie de la Basse Mésopotamie (LM 247). Les 4 ou 5 premiers rois de la dynastie d'Isin, dont fait partie Ishbi-Erra, ont permis à la Mésopotamie du sud de retrouver une période de paix relative pendant une petite centaine d'années environ (LM 261).
Ce qui saute alors aux yeux dans la documentation de cette époque d'Isin, c'est la façon dont ses rois semblent avoir mis toute leur énergie à donner l'impression que rien n'avait changé et que le pouvoir politique, par la volonté des dieux, et notamment d'Enlil de Nippur, s'était simplement déplacé d'Ur à Isin (LM 258). La titulature de la quinzaine de rois de la dynastie d'Isin a repris exactement celle des rois d'Ur. Ils ont continué comme eux à se faire diviniser et ils ont parrainé un art et une littérature dans la prolongation de ceux de leurs prédécesseurs. Tous rédigés en summérien, devenu pourtant langue morte, les hymnes, les inscriptions, les codes de lois, la correspondance, les procédures et les textes administratifs ne se distinguent guère, dans leur forme, de ceux de la période précédente (LM 258-259).
Sous les rois d'Isin (LM 247, 259), donc peut-être déjà sous Ishbi-Erra (NDR), une série de longs poèmes en langue sumérienne, aujourd'hui connus sous le nom de Lamentations, sont commencés à être rédigés (LM 247). Sur le modèle de la Malédiction d'Akkad, ils ont tenté d'expliquer ou de justifier la chute de Sumer, du royaume d'Ur et des ses cités saintes, Ur, Uruk, Nippur et Eridu, avec la décision des dieux de les abandonner à leur sort. En supervisant la rédaction de ces pièces, il s'agissait bien sûr pour les nouveaux rois d'Isin de se présenter en sauveurs de la civilisation sumérienne menacée par ses ennemis extérieurs et de légitimer leur domination toute fraîche sur le sud mésopotamien, en montrant comment eux-mêmes avaient su récupérer, à leur profit, la faveur des dieux (LM 247). C'est aussi à cette époque que les hymnes et les récits relatifs aux souverains d'Ur, notamment Ur-Namma et Shulgi, sont recopiés, ou peut-être créés, afin de perpétuer le souvenir des heures les plus glorieuses de ces rois, que l'on prétendait prolonger. Le mimétisme fut poussé à tel point que, lorsque de nouveaux hymnes furent élaborés pour célébrer les rois d'Isin eux-mêmes, on ne sut faire autre chose que des plagiats, décalquant quasiment mot pour mot ceux du temps de Shulgi. Plusieurs de ces rois, d'autre part, ont continué à se proclamer roi d'Ur plutôt que roi d'Isin (LM 259).
Vers -1987, Ishbi-Erra laisse le trône d'Isin vacant (LM 254). Vers -1986, Shu-Ilishu prend sa succession (LM 254, 260).
Epoque actuelle
Sur le site même d'Isin, des trouvailles clandestines, antérieures aux fouilles archéologiques que menaient encore il y a peu les archéologues allemands, ont permis de récupérer un lot de mille textes d'archives, nommé l'Isin Craft Archive, que rien ne semble distinguer des archives administratives de l'époque de la IIIe dynastie d'Ur (LM 260), c'est-à-dire l'époque des rois d'Ur précédant celle d'Ishbi-Erra (NDR). Ces textes documentent le fonctionnement des ateliers d'artisans de la capitale pendant une trentaine d'années des règnes d'Ishbi-Erra et de son successeur Shu-Ilishu (LM 260).
Variété des dates
Les dates de la chronologie sont des dates approximatives et peuvent fortement variées selon les sources. En effet, les documents utilisés par les chercheurs pour tenter d'établir l'Histoire n'utilisent pas des dates exactes en rapport avec notre système actuel. Il arrive souvent que ce soit des temps relatifs à tel ou tel règne. Les documents ne sont d'ailleurs pas toujours contemporains des évènements qu'ils documentent. Les dates reprises ici ne sont donc pas à prendre stricto sensu mais plutôt comme des repères chronologiques dans une palette large (NDR).
Sources de l'article
LM : Bertrand Lafon, Aline Tenu, Francis Joannès, Philippe Clancier, Joëlle Cornette (dir.). La Mésopotamie, de Gilgamesh à Artaban. Collection Mondes anciens. Editions Belin, 2017.