Sésostris I (-20e siècle)
SÉSOSTRIS I
Chronologie
-2000 à -1900
Vers -1962 (EP 802), Amenemhat I associe son fils Sésostris I au trône, sans doute pour affirmer l'autorité de sa lignée (EP 240). En effet, rien dans les origines de Amenemhat I ne justifiant sa prise du pouvoir et celui-ci pouvant être considéré comme un parvenu, cela pouvait se révéler catastrophique pour sa succession. Amenemhat I choisit donc de créer cette corégence avec son fils Sésostris I qui commença à régner aux côtés de son père, bénéficiant de son appui politique (EP 239-240). Cette corégence dura quelques mois (EP 240), car, vers -1962 (EP 802), Amenemhat I est assassiné à la suite d'un complot (EP 802) ourdi dans son harem (HP 85). Amenemhat I est alors remplacé par Sésostris I (EP 802, HP 85) qui devient le deuxième roi de la XIIe dynastie selon Manéthon (EP 807).
Le meurtre d'Amenemhat I par des conspirateurs est à l'origine de la Sagesse appelée Enseignement d'Amenemhat. Ce long texte, qui rapporte les conseils que le fantôme du roi mort adressa à son fils, Sésostris I, fut probablement rédigé par des scribes proches de l'entourage de Sésostris I (EP 240-242). Ce meurtre est également à l'origine du Conte de Sinouhé (EP 242), l'une des œuvres les plus populaires de la littérature égyptienne (HP 85).
Confrontés à une dynastie fragilisée, les lettrés de l'entourage de Sésostris I mirent au point une mythographie royale qui faisait d'Amenemhat I un sauveur dont la venue aurait été anticipée par un oracle un demi-millénaire plus tôt. La Prophétie de Néferti, le Conte de Sinouhé, des Sagesses comme celle de Ptahhotep permirent de renforcer la cohésion des élites royales autour d'un récit et de figures majeures. Ils favorisèrent la mise en place d'une éthique commune. Prônant la loyauté envers le souverain, ces récits proposent des modèles de conduite dans une société présentée comme fortement hiérarchisée. Ils n'oublient pas d'insister sur les maux à venir en cas de disparition de la monarchie (EP 245). La Prophétie de Néferti précise les origines de Amenemhat I. Rédigé du vivant du roi ou quelques années après sa mort, cette pseudo-prophétie permettait de pallier l'absence d'ancêtres prestigieux. Elle donnait au pouvoir d'Amenemhat I une légitimité, d'autant que cet oracle aurait été rendu sous le très estimé règne de Snéfrou (EP 238-239).
A Eléphantine, Sarenpout I, le premier Grand Chef de la ville, mentionne que son père, un certain Hapi, avait côtoyé Amenemhat I et Sésostris I. Hapi, dont les titres ont été perdus, disposait d'une petite chapelle dans le sanctuaire local d'Héqaib, indiquant le rôle politique qu'il jouait de son vivant à Eléphantine (EP 261). Sarenpout I, un potentat local, fut élevé à la condition de Grand Chef de la province par Sésostris I. Le roi dépêcha auprès de lui des artisans spécialisés afin de réaliser la décoration de sa tombe (EP 266).
Dans le temple d'Amon, à Karnak, Sésostris I aurait élevé Amon à la tête des dieux du pays et créé un sanctuaire consacré aux ancêtres royaux du IIIe millénaire. Il inventait ainsi une continuité entre la nouvelle monarchie née dans le sud du pays, et l'ancienne dont le centre se trouvait au nord (EP 262). Sésostris I fait probablement (NDR) édifier la Chapelle blanche, un kiosque cérémoniel de dimensions modestes, soit 6,8x6,5x4,8m, mais réalisé avec beaucoup de soin. Les inscriptions présentes dans cette chapelle contiennent, notamment, une liste des provinces du royaume (EP 263).
Sésostris I intensifie l'action entamée par son père, par la conquête de la Basse Nubie, le contrôle des oasis du désert de Lybie, l'exploitation des mines d'or située à l'est de Coptos et l'extraction de pierres dans le Wadi Hammamat. Les relations commerciales avec la Syrie-Palestine conduisent les Egyptiens dans la plaine de la Béqaa et jusqu'à Ugarit. A Tell Hizzin, à 11 kilomètres de Baalbek, on a découvert une statuette de cette époque, au nom d'un dignitaire d'Assiout en Haute-Egypte (HP 85-86). Les relations sont particulièrement étroites avec Byblos, où l'on a trouvé une sculpture au nom de Sésostris I et un sceau-cylindre en os au nom d'Amenemhat II (HP 86). Ugarit entretint des relations suivies avec l'Egypte du XIXe siècle, comme en témoignent divers objets portant les noms de Sésostris I, Sésostris II et Amenemhat III. C'est une importante cité commerçante, contrôlant une partie du trafic entre la Mésopotamie, Chypre, l'Egée et l'Egypte (HP 100).
Amény, Grand Chef de Beni Hassan sous Sésostris I, accompagna le roi et les princes au cours de trois expéditions, vers la Nubie et les mines du désert oriental, à la tête de 400 à 600 hommes, recrutés dans sa province. Ces expéditions royales envoyées dans les carrières et les mines du désert oriental ou à l'extérieur du royaume, afin de se procurer de la pierre dure, du cuivre ou de l'or (EP 264).
Au cours du règne de Sésostris I, il y eut une intense activité militaire en Basse Nubie. Ce fut probablement le début de la construction de forteresses jusqu'à la IIe cataracte (EP 802). Sésostris I dut aussi faire face à des attaques, des pillages et même un début de guerre civile aux alentours de Thèbes. Des bandits profitèrent de la situation pour piller le temple voisin de Töd avec la complicité d'Asiatiques, de Medjays et de Nubiens. Les descriptions officielles de ces rebelles sont subjectives et reflètent le point de vue de la Couronne égyptienne. Ces rebelles, hors-la-loi, se recrutaient sans doute parmi les perdants des luttes incestines qui déchiraient les élites égyptiennes. Guerre civile et insécurité étaient propices à l'enrôlement de mercenaires étrangers (EP 271). Loin de la vision proposée par certains textes royaux de l'époque, selon laquelle des frontières étanches séparaient l'Egypte des peuples étrangers, tout indique que les pharaons de la première moitié du IIe millénaire ne furent jamais en mesure de contrôler pleinement les mouvements de ces populations au sein de leur royaume (EP 270).
Les complexes funéraires d'Amenemhat I et de ses successeurs frappent par leur médiocrité. Les pyramides d'El-Lisht et de Dachour furent réalisées en pierres de piètre qualité, comme si les rois d'Ititaouy étaient incapables d'imposer à l'administration qu'ils dirigeaient autre chose qu'une portion congrue, pour assurer leur renaissance dans l'au-delà (EP 249).
Vers -1928, Sésostris I règne avec son fils, Amenemhat II, en cogérence. Le maintien de ce système de corégence, initié par Amenemhat I, laisse penser que le manque de légitimité et les périls qui en découlaient, ne se limitèrent pas aux premiers règnes de la dynastie, mais demeurèrent un souci constant pour les pharaons du XXe siècle (EP 240). Vers la même année, Sésostris I laisse le trône vacant. Il est alors remplacé par Amenemhat II (EP 239).
Sésostris I a peut-être régné entre -1920 et -1875 (HP 461).
Variété des dates
Les dates de la chronologie sont des dates approximatives et peuvent fortement variées selon les sources. En effet, les documents utilisés par les chercheurs pour tenter d'établir l'Histoire n'utilisent pas des dates exactes en rapport avec notre système actuel. Il arrive souvent que ce soit des temps relatifs à tel ou tel règne. Les documents ne sont d'ailleurs pas toujours contemporains des évènements qu'ils documentent. Les dates reprises ici ne sont donc pas à prendre stricto sensu mais plutôt comme des repères chronologiques dans une palette large (NDR).
Sources de l'article
EP : Damien Agut, Juan Carlos Moreno-Garcia, Joëlle Cornette (dir.). L'Égypte des pharaons, de Narmer à Dioclétien. Collection Mondes anciens. Editions Belin, 2016.
HP : Josette Elayi. Histoire de la Phénicie. Collection Tempus. Editions Perrin, édition 2013, réédition 2018.