La descente d'Ishtar aux enfers

LA DESCENTE D'ISHTAR AUX ENFERS


Le mythe

Il fut un jour où Ishtar descendit dans le monde d'en bas, Kournougi, la terre de non-retour, dont la reine était sa sœur, Ereshkigal. C'est ainsi qu'Ishtar parvint à la première porte de Kournougi, un lieu ténébreux, lugubre et terriblement poussiéreux. Elle était déterminée à entrer et elle ordonna au portier de lui ouvrir, le menaçant de lever les morts qui dévoreront les vivants s'il n'obéit pas. Aussitôt, le portier se rendit auprès d'Ereshkigal et, quand Ereshkigal apprit la nouvelle, son visage devint livide comme un tamaris coupé, ses lèvres devinrent foncées comme le bord d'un pot kouninou. Elle se demanda ce qui avait pu amener Ishtar dans son royaume et donna au portier des instructions. Elle lui dit d'ouvrir la porte et de traiter Ishtar selon les rites antiques.

Ishtar entra et, à la première porte, elle fut dépouillée de sa couronne splendide, car tels étaient les rites de la Souveraine de Kournougi. A la deuxième porte, Ishtar fut dépouillée de ses boucles d'oreilles, car tels étaient les rites de la Souveraine de Kournougi. A la troisième porte, Ishtar fut dépouillée de son collier de perles, car tels étaient les rites de la Souveraine de Kournougi. A la quatrième, du pectoral ornant sa poitrine, car tels étaient les rites de la Souveraine de Kournougi. A la cinquième, de sa ceinture de pierres de naissance, car tels étaient les rites de la Souveraine de Kournougi. A la sixième, des bracelets de ses poignets et de ses chevilles, car tels étaient les rites de la Souveraine de Kournougi. Et, à la septième, elle fut dépouillée du vêtement de dignité de son corps, car tels étaient les rites de la Souveraine de Kournougi. C'est ainsi que Ishtar se retrouva entièrement nue quand elle se présenta enfin devant sa sœur. Mais c'était Ereshkigal qui tremblait.

Alors, la reine du monde d'en bas appela Namtar, son vizir, et lui ordonna d'envoyer sur Ishtar soixante maladies, contre ses yeux, ses bras, ses pieds, son cœur, sa tête, contre toutes les parties de son corps. Alors, sur terre, toute activité sexuelle cessa. Nul taureau ne couvrait une vache, nul âne ne s'accouplait avec une ânesse, nul jeune homme ne fécondait une fille. Le jeune homme dormait dans sa propre chambre, la fille dormait en compagnie de ses amies.

Papsoukkal, le vizir des grands dieux, pleura devant Ea et, comme toujours, Ea trouva une solution. II créa un éphèbe dont la beauté réjouirait tant le cœur d'Ereshkigal que son esprit se détendrait et que son humeur s'éclairerait. Il devrait alors demander une outre d'eau, peut-être sous le prétexte d'en boire, et asperger Ishtar avec son contenu pour la faire revivre. Mais la ruse échoua.

D'abord charmée par son apparence, Ereshkigal lui lança soudain une grande malédiction. Du pain glané dans les labours de la cité serait sa seule nourriture, les égouts de la cité seraient son seul endroit pour boire, l'ombre d'un mur de la cité le seul lieu où il se tiendrait, les marches d'un seuil le seul siège où il s'assiérait, et l'ivrogne et l'assoiffé gifleraient sa joue. Mais, tout en maudissant l'éphèbe d'Ea, Ereshkigal épargna Ishtar et elle ordonna à Namtar de l'asperger des eaux de vie et de la reconduire en dehors de Kournougi.

Alors, Ishtar franchit la septième porte et son vêtement de dignité de son corps lui fut rendu. Puis Ishtar franchit la sixième porte et les bracelets de ses poignets et de ses chevilles lui furent rendus. Puis Ishtar franchit la cinquième porte et la ceinture de pierres de naissance lui fut rendue. Puis Ishtar franchit la quatrième porte et le pectoral qui ornait sa poitrine lui fut rendu. Puis Ishtar franchit la troisième porte et son collier de perles lui fut rendu. Puis Ishtar franchit la deuxième porte et les boucles d'oreilles lui furent rendues. Enfin, Ishtar franchit la première porte et sa couronne splendide lui fut rendue. Et c'est ainsi qu'Ishtar reprit possession des symboles de sa divinité et qu'elle sortit de Kournougi.

Mais Ishtar avait une dette et elle paya sa libération en laissant Doumouzi, l'amant de sa jeunesse, dans le monde d'en bas, où il demeurerait désormais. Un jour par an, il retournerait sur terre et, à cette date, seraient accomplis des rites.

(MM 117-120)


Le texte

Ce récit est malheureusement incomplet et raconte comment, mais non pourquoi, la déesse Ishtar descendit dans le monde d'en-bas et comment elle y fut emprisonnée jusqu'à ce qu'Ea obtienne sa libération (MM 117). Le texte de ce mythe fait environ 150 lignes. Il fut principalement trouvé à Ninive, où sa composition daterait du VIIe siècle av. J.C. Mais il fut aussi trouvé à Assour, où sa composition daterait de la fin du IIe millénaire av. J.C. La Descente d'Inanna est une version sumérienne antérieure et plus longue, de 410 lignes (MM 30-31).

A un moment du texte, les lèvres d'Ereshkigal sont décrites devenant noires comme le bord d'un pot kouninou. En effet, le bord d'un kouninou était enduit de bitume, ce qui le noircissait (MM 118). La scène rituelle de l'entrée d'Ishar dans Kournougi, où elle passe par les portes et est petit à petit dépouillée de ses bijoux, est une scène rituelle et répétitive en sept étapes, caractéristique des mythes mésopotamiens (MM 117).

La fin de l'épopée qui indique que Doumouzi retourne sur terre un jour par an et que, à cette date, seront accomplis des rites. Ceci correspond sans doute au rite de taklimtou, qui avait lieu au cours du mois du Doumouzi, c'est-à-dire en juin-juillet. Au cours de ce rite, une statue de Doumouzi était baignée, ointe et exposée en grande pompe à Ninive (MM 120).


Sources de l'article

MM : Henrietta McCall. Sylvie Carteron (trad.). Mythes de la Mésopotamie. Collection Points Sagesses. Editions du Seuil, édition traduite 1994, édition originale 1990, réimpression 2023.



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