Centulle V le Jeune (1058 à 1090)
CENTULLE V LE JEUNE
Chronologie
1000 à 1050
Au cours de la première moitié du XIe siècle, le clergé et les vicomtes de Béarn reçoivent peu à peu, dans le Béarn, le patrimoine des ducs de Gascogne par donations successives (VBS).
1050 à 1100
En 1058, Centulle IV le Vieux, vicomte de Béarn et d'Oloron, meurt dans une embuscade tendue par les Souletins (IPP, CSO). En effet, les Souletins se sont révoltés contre Centulle IV le Vieux et le mettent à mort. Il est ainsi tué par un écuyer, au bout du pont d'Osserain (CSO). Centulle V le Jeune, fils de Centulle IV le Vieux, succède alors à son père (IPP, VBS, CB). Centulle, en gascon Centoig ou Centou, dérive d'une racine celte comparable au latin primulus qui signifie le petit chef. Au moins à partir de cette année-là, mais peut-être déjà avant (IPP), la vicomté de Béarn frappe sa monnaie à Morlàas, capitale de la vicomté, ce qui est un symbole régalien (IPP, VBS). Elle est frappée dans le château de la Hourquie de Morlàas, propriété du vicomte de Béarn. Cette monnaie est composée de deniers d'argent et d'oboles en billon avec un type immuable qui perdura, par la suite, durant 3 siècles. Sur l'avers est gravé deux besants et une croix avec la légende Centullo
Com et, sur le revers, une croix cantonnée des lettres PM avec la
légende Onor Forcas. Ces pièces sont ensuite comptabilisées en une monnaie fictive, la monnaie morlanne, avec 20 sous pour 1 livre et 12 deniers pour 1 sou (IPP). Au cours de son maintien au pouvoir, Centulle V donne la concession de l'office de graveur à perpétuité, peut-être au maître graveur Girard (VBS).
Entre 1058 et 1090, au cours de son maintient au pouvoir, Centulle V adhère à la réforme du pape Grégoire VII, la réforme grégorienne, et applique les consignes promulguées pour promouvoir la Paix de Dieu. Le pape, dans une lettre à son légat Amat, qualifie alors Centulle V de amator justitiae, defensor pauperum, propagator pacis (IPP).
En 1059, le grand évêché de Gascogne est dissolu et l'évêché d'Oloron est restauré. Etienne de Mauléon devient alors évêque d'Oloron. Dans les années qui suivent l'installation de cet évêque, il est possible que le caractère épiscopal d'Oloron prenne le pas sur son statut d'ancienne capitale de la vicomté d'Oloron, vicomté entrée sous le giron de la vicomte de Béarn sous Centulle IV le Vieux, et il est possible que les Souletins affirment leur domination sur la cité, au détriment de Centulle V, Etienne de Mauléon appartenant notamment à la famille vicomtale de Soule. Centulle V perd peut-être ainsi la domination sur la cité d'Oloron. Dans les années antérieures à 1079, Centulle V n'est jamais désigné dans les documents comme vicomte de Béarn et d'Oloron (CSO).
Entre 1059 et 1063, suite à l'assassinat de Centulle IV par des Souletins et sous la pression des Béarnais qui le tiennent pour responsable (CSO) et qui se préparent peut-être à envahir la Soule (LV), Raymond-Guillaume, vicomte de Soule, va trouver Etienne de Mauléon, évêque d'Oloron (CSO), peut-être parce qu'il est alorsdélogé d e son Château de Mauléon (IKC). En effet, voyant qu'il ne pourrait résister longtemps aux forces béarnaises, il se résout peut-être à se retirer dans la partie du Lavedan qui lui appartient. Obligé de passer par le diocèse d'Oloron, pour opérer plus promptement sa retraite, il s'adresse à son cousin germain, l'évêque Etienne de Lavedan, aussi nommé Etienne de Mauléon, pour qu'il favorise son dessein.(LV). Etienne de Mauléon met alors pour condition que le vicomte, le clergé et les habitants de la Soule, qui ressortent au spirituel de l'évêché de Dax, se mettent dans la dépendance du diocèse d'Oloron (LV). Cette proposition rencontre une très vive opposition de la part des Souletins et de Bergon-Loup de Charritte (LV), qui est à assimiler au seigneur de Gentein, l'actuelle commune d'Ordiarp (CSO), et qui est le plus puissant baron du pays et parent de Raymond-Guillaume et du prélat (LV). Finalement, Etienne de Mauléon parvient à les convaincre en promettant la succession de son évêché à Arnaud-Raymond, fils du vicomte, et l'archidiaconé de Soule à Héraclius, fils de Bergon-Loup de Charritte (LV, CSO). Etienne de Mauléon offre au vicomte de Soule amitié, fidélité, droit de gîte et frais d'escorte, un vocabulaire qui est celui des relations féodales. Ainsi, Etienne de Mauléon se pose en seigneur, un seigneur apte à garantir à Raymond-Guillaume la possibilité de circuler entre ses vicomtés de Soule et de Lavedan, via le passage quasi-obligé d'Oloron (CSO). Au final, Etienne de Mauléon parvient à rattacher la Soule à l'évêché d'Oloron, accroissant sensiblement l'étendue, et donc les revenus, de ce diocèse (CSO). De plus, si Raymond-Guillaume a été délogé de Mauléon par les Béarnais, grâce une médiation que Etienne de Mauléon effectue entre le Béarn et la Soule, Mauléon est restitué à Raymond-Guillaume (IKC).
Avant 1064, ou en 1064, Centulle V donne l'église de Carresse à la veuve et au fils de Garsie-Guillaume (VBS).En 1064 (IPP), suite à l'appel du pape Alexandre II pour venger la mort de Ramire I, roi d'Aragon, Centulle V se retrouve, avec ses hommes, à la suite de Gui-Geoffroi, duc d'Aquitaine, dans son expédition contre les musulmans, lors de la croisade de Barbastro (VBS). Ils traversent les Pyrénées par le Somport et retrouvent la deuxième armée, dirigée par le comte Urgel, devant Barbastro dont le siège commence en juin. Privée d'eau, la garnison capitule en juillet et les chevaliers chrétiens se livrent à de terribles excès n'épargnant que les femmes et les jeunes filles. Les principaux seigneurs venus d'au-delà des Pyrénées se retirent, laissant ceux qui cherchent à faire fortune en ces lieux (IPP). Pendant cette expédition, Raymond, évêque de Lescar, envoie une plainte à Gui-Geoffroi, se plaignant que la veuve et le fils de Garsie-Guillaume de Salie refusent de lui restituer l'église de Carresse que Centulle V leur avait à priori injustement donné. Gui-Geoffroi charge alors le vicomte de Dax de tenir un plaid qui trancherait l'affaire en son nom. Cependant, peu après le conflit rebondit une nouvelle fois et le vicomte de Dax est à nouveau saisi par le duc (VBS).
En 1073, Centulle V est en guerre contre les fils de Bernard Tumapaler, comte d'Armagnac (CB).
En 1077 (VBS), mais la date est probablement fausse (CSO), Centulle V fait une donation au monastère San Juan de la Pena, inscrite dans la charte du cartulaire de San Juan de Pena, dans lequel la date indiquée selon le système chronologique de l'ère espagnole est alors précisée en fonction des années de gouvernement de Gui-Geoffroi et des années de règne de Phillippe I, roi de France (VBS).
Avant 1079, Centulle V n'est jamais désigné, dans les différents documents, comme vicomte de Béarn et d'Oloron (CSO). Toujours avant 1079, mais à une date inconnue, Centulle V épouse Gisla. De ce mariage naît, toujours avant 1079, son futur héritier Gaston, le futur Gaston IV le Croisé (IPP, CB). Gisla et Centulle V donnent aussi naissance à Raimond Centulle et Osquinette (CB, CMC).
En 1079 (CB, CMC), le mariage de Centulle V et de Gisla est dissolu (IPP), Centulle V répudiant son épouse pour cause de niveau de parenté prohibé, sous la pression du pape Grégoire VII (CB, CMC). Au cours de la même année, pour expier son péché, Centulle V donne à l'abbaye de Cluny l'église Sainte-Foi de Morlàas pour y fonder un prieuré (CB). Toujours au cours de la même année (CB, CMC), Centulle épouse, en seconde noces, Beatrix de Bigorre (CB, CMC, IPP). Centulle V devient alors comte de Bigorre (CB, CMC, CSO), sous le nom de Centulle 1er (CMC), entamant ainsi un processus, constant chez les vicomtes de Béarn, de rapprochement voire d'absorption de la Bigorre (IPP). De ce second mariage, Centulle V a deux enfants, Bernard (CB) et Centulle (CB, IPP). Centulle V fait ensuite construire des mottes féodales dans plusieurs endroits de ses possessions, dont Mauvezin (CMC). C'est ainsi qu'un château primitif, le Château de Mauvezin, probablement alors une simple tour en bois entourée de palissades, est peut-être édifié à Mauvezin à la demande de Centulle V. Au pied du château, se trouvent deux basses-cours abritant des maisons et protégées par des fossés et fermées de palissades. La plus grande, située côté sud, a une largeur de 12 mètres environ. Le château domine alors un village également fortifié par des palissades (CMM). Au cours de la même année, Centulle V participe à un assaut sur la cité de Saragosse. Mais l'attaque est déjouée par le Cid qui est alors au service des musulmans (IPP).
NB : La date de 1079 pour l'assaut de Saragosse pose soucis car le Cid se met au service des musulmans à une date ultérieure.
Entre 1079 et 1090 (CSO), ou vers 1080 (IPP), Centulle V octroie à la cité de Oloron une carta de poblacion (IPP, CSO), une charte de franchise, premier embryon des Fors de Béarn (IPP). Par ce biais, il souhaite favoriser l'installation de colons dans cette ville alors peu peuplée (IPP). Cependant, il est possible aussi que, par cette charte, Centulle V veut reprendre la main sur la cité d'Oloron, ayant peut-être perdu la domination de la cité en 1059. Dans cette carta de poblacion, Centulle se désigne comme Centulle, comte de Bigorre et vicomte de Béarn (CSO).
Après 1079, une conventio est conclue entre Centulle V et Raimond Guilhem, vicomte de Soule, ce qui met fin à la tension, voire l'affrontement, entre les Souletins et la vicomté de Béarn. Dans cette convention, Centulle V est désigné comme Centulle de Bigorre, vicomte de Béarn et d'Oloron (CSO). En effet, (vers 1078 selon LV), Raymond-Guillaume accompagné de ses fils et des chevaliers souletins, fait avec Centulle V, vicomte de Béarn et d'Oloron, comte de Bigorre, un traité par lequel ils arrêtent le mode de répression de certains méfaits réciproques des Souletins et des Béarnais, et Raymond-Guillaume, ses enfants, et les chevaliers de Soule jurent d'aider toujours le vicomte de Béarn et d'Oloron contre tous hommes qui ne voudraient lui faire raison et justice, pour ceux de Soule, à Navarrenx ou à Sainte-Marie d'Oloron, le roi de Pampelune et le comte de Gascogne exceptés (LV).
En 1080, le 20 juin, Centulle V est témoin de l'acte de Gui-Geoffroi accordant une charte de privilège au monastère de la Grand'Sauve (VBS).
En 1082, Centulle V, désireux d'avancer son territoire vers le bec des gaves, subit une embuscade et une sévère défaire face à la vicomté de Dax (IPP).
En 1083, le 12 mars, le Château de Mauvezin est cité pour la première fois dans un texte. Celui-ci est un pacte de paix, signé dans le château, entre Sanche de Labarthe et Béatrix, comtesse de Bigorre et épouse de Centulle V le Jeune (CMM, EGF).
Vers 1085, préparant l'incorporation du Montanérès à la vicomté de Béarn, Centulle V fait épouser à Gaston, son héritier et futur Gaston IV le Croisé, Talèse d'Aragon, fille de Sanche, comte d'Aïbar et de Javierrelatre, frère naturel du Sanche-Ramirez, roi d'Aragon et de Navarre. En effet, Talèse, héritière de la vicomté du Montanérès, apporte ce territoire en dot (IPP).
En 1086, le 16 septembre, 8 jours avant son décès, Gui-Geoffroi, duc de Gascogne, fait une importante donation au profit de Centulle V. Il abandonne au vicomte ses droits d'albergue ou de gîte dans une douzaine de villages béarnais situés le long du Gave de Pau, entre Nay et Argagnon, et le long du Gave d'Oloron, entre Oloron et Mur, son dominium sur Carresse et Salies-de-Béarn et ses honneurs en Soule. Centulle V reçoit ainsi les derniers débris du patrimoine des ducs de Gascogne dans le Béarn (VBS, CB). Au cours de la même année (VBS), ou en 1087, Guillaume VII, duc de Gascogne, confirme l'acte de donation effectué par Gui-Geoffroi à Centulle V (CB). (Vers 1085 selon LV) Guillaume-Fort II, vicomte de Soule et, en partie, de Lavedan, vient de succéder à son père, lorsque Centulle V, vicomte de Béarn, auquel Gui-Geoffrou, dit Guillaume VIII, duc d'Aquitaine et de Gascogne a cédé son droit de seigneurie sur la Soule, le somme d'aller lui prêter foi et hommage à Navarrenx. Guillaume-Fort prétend que les exigences de Centulle V s'étendent au-delà des droits du duché dont il relève et refuse de le reconnaître pour suzerain. Centulle V envahit alors la Soule, à la tête d'une nombreuse armée, en fait la conquête, et octroie aux habitants du bourg de Montory les fors, coutumes et franchises de la ville d'Oloron (LV).
En 1090 (CB, VBS, IPP), Centulle V est assassiné dans la vallée aragonaise de Tena, alors qu'il vient se mettre au service de Sanche-Ramirez, roi d'Aragon et de Navarre qui souhaite attaquer et prendre Huesca (IPP). Son fils, Gaston IV prend alors la tête de la vicomté de Béarn (VBS, CB). tandis que son fils, Bernard, prend la tête du comté de Bigorre (CB).
Sources de l'article
VBS : Pierre Tucoo-Chala. La vicomté de Béarn et le problème de sa souveraineté, des origines à 1620. Bordeaux, Imprimerie Bière, 1961, fac-similé Nouvelles Editions Louis Rabier, 2016.
IPP : Pierre Tucoo-Chala. Quand l'Islam était aux portes des Pyrénées, de Gaston IV le Croisé à la croisade des Albigeois. Collection Terres et Hommes du Sud, J&D Editions, 1994.
CSO : Anne Berdoy. Le vicomte Centulle V (1058-1090) et la sauveté d'Oloron. Annales du Midi, Tome 128 n°296, 2016. Version en ligne Persée.
CB : Benoît Cursente. Les Centulle de Béarn (fin Xe siècle-1134). Vicomtes et vicomtés dans l'Occident médiéval. Presses Universitaires du Midi, 2008. Version en ligne OpenEdition Books.
LV : Jean de Jaurgain. La Vasconnie, étude historique et critique sur les origines du royaume de Navarre, du duché de Gascogne, des comtés de Comminges, d'Aragon, de Foix, de Bigorre, d'Alava et de Biscaye, de la Vicomté de Béarn et des grands fiefs du duché de Gascogne. Première partie, Pau, 1898. Deuxième partie, Pau, 1902.
CMM : Le château de Mauvezin. Site internet Château de Mauvezin. Article en ligne.
CMC : Centulle Ier. Site internet Château de Mauvezin. Article en ligne.
EGF : Le château de Mauvezin. Site internet Escola Gaston Febus. Article en ligne.
Bibliographie
Pierre de Marca. Histoire du Béarn volume 1. Nouvelle édition de l'abbé Victor Dubarat, 1894. Version en ligne Google Books.
Source primitive
Pierre de Marca. Histoire du Béarn. Paris, 1640. Version en ligne BnF/Gallica.